Ministère de la justice et des Droits de l’Homme, un an après : Charles Wright dresse le bilan de sa gestion (Interview)

Après avoir passé un (1) an à la tête du Ministère de la justice et des Droits de l’Homme, le troisième ministre à la tête de ce département stratégique de la transition après Fatoumata Yarie Camara, Moriba Alain Koné, Alphonse Charles Wright a engagé plusieurs réformes pour le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire, boussole de la transition.
Dans cette interview à bâton rompu, le patron de la justice guinéenne est revenu sur la nécessité de doter l’institution judiciaire d’instrument lui permettant d’atteindre à moyens, court ou à long termes ses objectifs assignés en dépit de quelques difficultés liées aux problèmes de ressources humaines, financières, et aussi infrastructurels depuis sa prise de fonction 12 juillet 2022.


Pour vous, qu’est-ce qui a amené le Colonel Doumbouya a vous nommé à ce poste stratégique ? Est-ce pour votre attachement au respect de la loi ou pour votre engagement en faveur d’une justice indépendante ?

Ministre de la justice : Vous savez, la décision d’un Président de nommer un ministre est dans son pouvoir discrétionnaire. Il a estimé que je pourrais être celui qui pourra porter la réforme telle qu’il l’a souhaité pour notre pays. Vous savez je suis magistrat de carrière, j’ai quasiment occupé toutes les fonctions judiciaires de notre pays. Et comme les gens aiment souvent le dire, j’ai été au centre de plusieurs attentions par rapport à mon attachement et au respect religieux de la loi et les questions relatives aux droits humains dans notre pays. Ce n’est pas aisé surtout en période de transition d’occuper un poste aussi prestigieux que celui du ministre de la justice et des Droits de l’Homme. Et comme vous le savez, chaque homme est tenu de relever les défis en le faisant avec beaucoup d’amour, d’affection parce que nous aimons notre travail et nous estimons que ça va servir ces populations qui ont besoin de leur justice. C’est pour cette population que nous travaillons. La lutte contre l’impunité, tout ce qui en suit aujourd’hui a fait que notre pays, selon les indicateurs économiques et financiers, est en train de redevenir un pays de respect de l’orthodoxie financière. C’est ce qu’on a besoin et cette lutte contre l’impunité doit continuer.

Quelques jours après votre nomination, le Président de la transition vous a instruit d’organiser ce procès ce 13 ans après la commission des faits. Comment avez-vous fait pour organiser ce procès en peu de temps ?

Ministre de la justice : Vous savez le procès du 28 septembre dont beaucoup appelle le procès du siècle a été l’une de mes meilleures réussites. Et cette réussite a été possible grâce à l’appui inconditionnel de M. le Président de la transition, chef de l’Etat, chef suprême des armées, Colonel Mamadi Doumbouya. Le pari n’était pas gagné après combien d’années d’attente de la part des citoyens. Mais lorsque le travail m’a été confié, j’ai tout de suite pris la mesure de la situation. Parce que comme je l’ai toujours dit, il faut redonner le sourire aux victimes et il faut donner de l’espoir aux accusés. Tous attendaient un procès pour donner à chacun la possibilité de se défendre devant un tribunal impartial et indépendant. Et qu’il était du devoir de l’Etat de créer toutes les conditions pour que ce procès ait lieu. ce n’était pas gagné parce que comme vous le savez après 13 ans d’attente, il y avait assez de difficultés du point de vue organisationnel et tout ce qui en suit. Comme on aime à le dire, avec la volonté, on a la capacité de déplacer les défis et atteindre les résultats. Aujourd’hui, le procès du 28 septembre doit rester dans l’histoire judiciaire de notre pays

A date, est-ce que votre département a réussi à améliorer ou à faire réviser les textes de lois ?

Ministre de la justice : Les réformes que nous avons réussi en peu de temps, moi souvent, les magistrats me font la confidence en me disant, M. le ministre ! vous êtes en train de réussir et vous aviez réussi ce que beaucoup des personnes ne pensaient. La réforme des textes est nécessaire pour la survie des institutions judiciaires. On le dit souvent, quand vous bâtissez une refondation sur la base des textes qui peuvent résister dans le temps, vous aurez donné tout le sens à la refondation. Aujourd’hui, notre pays peut s’enorgueillir d’avoir comme instrument aujourd’hui au niveau de la justice ce qu’on appelle la politique pénitentiaire mais aussi la politique pénale. Des documents qui ont été présentés servent aujourd’hui de bréviaire pour nous en expliquant réellement notre vision sur la justice pénale de notre pays. Sur les questions de détention, d’infrastructures judiciaires et pénitentiaires. Aujourd’hui, nous avons ces deux instruments qui nous permettent de faire avancer notre justice. Nous avons au-delà de ça mis en place ce qu’on appelle la loi sur la protection des victimes et des personnes en situation de risque. Nous avons pu faire passer la loi sur l’aide juridictionnelle qui est une première dans notre pays. Puisque magistrat que je suis, à chaque fois que le tribunal était saisi d’une plainte avec constitution de partie civile ou d’une citation directe à l’initiative de la partie civile, il y a toujours eu cette question de consignation. Parce qu’on ne paie la consignation que s’il n’y a pas une aide juridictionnelle, s’il n’y a pas d’assistance judiciaire. Aujourd’hui, il y a des gens qui n’ont pas la possibilité d’accéder à la justice parce qu’ils sont démunis et ils n’ont pas de ressource qu’il faut alors qu’il est du devoir de l’Etat de créer toutes les conditions pour l’accès des citoyens une justice impartiale et indépendante. Le gouvernement de la transition à travers le Chef de l’Etat, à travers mon département a pu quand-même instituer l’aide juridictionnelle dont le processus opérationnel est en cours. Au-delà de ces textes, nous avons prévu de lutter contre la traite des personnes. C’est pourquoi nous avons créé une cellule de lutte contre la traite au niveau du département de la justice ou nous sommes allés à la spécialisation des magistrats sur ce point précis. Parce que c’est une phénomène mondial et global qui porte atteinte à la dignité de l’Homme. Donc, il y a beaucoup d’autres projets de réformes avec l’adoption de la feuille de route des axes prioritaires de mon département. Tout ce que nous demandons, c’est qu’il ait des moyens supplémentaires pour nous permettre d’avoir la mise en œuvre effective de l’ensemble des projets que nous ambitionnons pour notre département.

Vous aviez jugé nécessaire de déléguer des fonds dans le fonctionnement du système judiciaire. Pourquoi avez-vous pensé à cela ?

Ministre de la justice : La chance que j’ai eu est que je suis acteur de cette institution judiciaire. Lorsque vous êtes de cette manière, vous êtes censés mieux connaître les problèmes ou les difficultés qui assaillent votre service. La première cause des violations des droits humains, c’est l’ignorance des citoyens. Vous ne pouvez pas défendre les droits si vous ne les connaissez pas, si vous ne les maîtrisez pas. Vous ne pouvez pas vous opposer de manière légale et légitime à la violation de droit, si vous n’avez pas la maîtrise de vos droits. C’est la raison pour laquelle depuis que j’ai pris la tête de ce département, j’ai voulu gérer autrement. Qu’en faire ? Quand vous demandez n’importe qui aujourd’hui en Guinée quels sont les problèmes auxquels la justice est confrontée ? Au vu de l’extérieur, on dira qu’il y a des problèmes d’infracteurs, des problèmes de personnels judiciaires. Mais nous avons quand-même réussi à faire passer le recrutement de cent (100) magistrats et de cent (100) greffiers. Aucun gouvernement n’a eu à le faire parce que le souci de M. le Président de la transition, chef de l’Etat, chef suprême des armées Colonel Mamadi Doumbouya n’est ni plus, ni moins de doter la justice de tous les moyens humains, matériels et financiers. C’est pourquoi, sous ses instructions, le département de la justice a affecté aux niveaux des collectivités plus de 35% de son budget de fonctionnement. Les juridictions aujourd’hui ont un budget de fonctionnement. C‘est une innovation que nous faisons et que ces budget-là soient payer par voie de dérogation budgétaire. Mais ce qui est encore plus réconfortant pour nous, c’est qu’on a réussi à mettre en place ce qu’on appelle des budgets de fonctionnement au niveau des établissements pénitentiaires. C’est-à-dire qu’il faudrait pour des questions de carburant et tout ce qui en suit, les gardes pénitentiaires qui travaillent au niveau de ces prisons-là, nous connaissons les conditions dans lesquelles ils travaillent, pour lesquelles nous nous battons pour les améliorer ne puissent pas souffrir quand-même de ces questions financières. Mais faudrait-il aussi à côté de tout cela, trouver des engins, c’est-à-dire, tout ce qui est logistique en matière de transport des détenus et tout ce qui suit. Donc, les défis sont si énormes aujourd’hui que nous sommes tout à fait conscients de l’effort qui a été déjà fait par le Gouvernement. Mais l’effort que nous devrons fournir parce qu’au-delà de doter ces juridictions et ces établissements pénitentiaires de budget, il faut doter ces établissements de personnels qu’il faut ; des personnels compétents qui peuvent détectés et soigner certaines maladies sans forcément que cela soit nécessaire de les envoyés dans les hôpitaux ou le souvent l’expérience fâcheuse a montré que d’autres organisent leur propre évasion. Donc, nous continueront encore à travailler parce que le plus important aujourd’hui pour nous, c’est que le résultat que nous souhaitons ce n’est pas un résultat de publicité, mais c’est un travail de fond que nous faisons au quotidien pour pouvoir améliorer notre gouvernance à travers la justice.



Merci M. le ministre…

Entretien réalisé par Moussa Moise Keita