Le Ministre de la Justice n’est pas responsable des dérives judiciaires : Analyse d’une situation complexe (Par Me Kandé)

Aujourd’hui, certains imaginent qu’Alphonse Charles Wright, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux et des droits de l’Homme, est responsable des dérives judiciaires de certains Magistrats; qu’il serait confus et contradictoire, et qu’il conduirait la voiture judiciaire dans laquelle se trouvent les Magistrats. Ces accusations sont injustes et ne tiennent pas compte des particularités de la situation.

Le principe d’objectivité et d’honnêteté implique que nous devons analyser les phénomènes de la nature, les phénomènes socio-politiques et les phénomènes juridiques tels qu’ils se présentent, plutôt que de les interpréter selon nos humeurs ou en utilisant des déductions simplistes.

La présence du « moi » dès le début de la réflexion peut obstruer le chemin vers la vérité. Il suffit que des insuffisances professionnelles  soent commises pour que l’on se permette de dire n’importe quoi et n’importe comment au nom d’un droit mal compris et mal appliqué (la liberté d’expression), en ignorant les voies judiciaires à recourir, les particularités qui caractérisent la situation en question,  la responsabilité régalienne de la personne impliquée et les limites de cette responsabilité.

Sans faire l’avocat du diable, comment se fait-il qu’une procédure déjà engagée judiciairement, censée ne plus être du ressort de compétence du Ministre de la Justice, soit réglée extrajudiciairement (disent-ils) et qu’on mette cela sur la tête du Garde des Sceaux comme s’il possédait la clef de la conscience des Magistrats qui ne relèvent pas de lui ?

Il est vrai que, selon l’article premier de notre code de procédure pénale, l’action publique appartient à la Société pour le maintien de l’ordre public par la poursuite des infractions pénales. Cette action est exercée par le Ministère Public, qui requiert l’application de la loi en développant des observations qu’il juge convenables pour le bien de la Justice lors d’une audience pénale à laquelle il assiste obligatoirement (voir l’article 38 du CPP).

La matière pénale résulte d’une volonté politique du Gouvernement, pour laquelle un Département (Ministère) est créé, dirigé par une personnalité politique et non judiciaire (le Ministre de la Justice), chargée de veiller à la cohérence de son application sur toute l’étendue du territoire de la République.

C’est pourquoi le législateur a jugé nécessaire de conférer au Ministre de la Justice un pouvoir restrictif lui permettant d’adresser aux Magistrats du Ministère Public des instructions générales de politique pénale, ce qui lui permet de dénoncer les plaintes qu’il reçoit aux procureurs généraux et de leur enjoindre d’engager les poursuites judiciaires, mais par voie écrite, tel que disposé à l’article 37 du CPP.

Ceci consacre la subordination des magistrats composant le ministère public vis-à-vis du ministre de la Justice dans le cadre de la procédure pénale.

Cependant, cette subordination n’a en réalité aucune influence sur la magistrature assise dans l’exercice de ses fonctions juridictionnelles. Le procureur étant celui qui met en mouvement l’action publique, sous réserve de la procédure de citation directe à l’initiative de la partie civile, n’en dispose plus dès lors qu’il l’a déclenchée. En termes clairs, il ne peut plus mettre fin à la procédure en recevant, par exemple, des injonctions en application des articles 37 et 42 de notre code de procédure pénale.

Il faut rappeler que les pouvoirs demeurent séparés tant horizontalement que verticalement.

Sur le plan horizontal et à titre de rappel, « Le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs est consacré » ;

Au titre VII relatif au pouvoir judiciaire de la la constitution précédente, les articles 117, 118 et 119 disposent respectivement :

ARTICLE 117 : «Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.

Il est exercé exclusivement par les cours et les tribunaux. » ;

ARTICLE 118 : « Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême, la Cour des comptes, les cours et tribunaux dont les décisions définitives s’imposent aux parties, aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives, juridictionnelles et aux forces de défense et de sécurité. » ;

ARTICLE 119 : « LES MAGISTRATS NE SONT SOUMIS DANS L’EXERCICE DE LEURS FONCTIONS QU’A L’AUTORITE DE LA LOI.

Les magistrats du siège sont inamovibles dans les conditions déterminées par la loi.

Les magistrats du siège, du parquet et de l’administration centrale de la justice sont nommés et affectés par le président de la République, sur proposition du ministre de la justice, après avis consultatif du Conseil supérieur de la magistrature.

Toute nomination ou affectation de magistrat sans l’avis consultatif du Conseil supérieur de la magistrature est nulle et de nul effet. » ;

Au sens vertical, selon les alinéas 1, 2 et 6 de l’article préliminaire du Code de procédure Pénale disposant que :

ALINEA 1 : « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire, et préserver l’équilibre du droit des parties. » ;

ALINEA 2 : « Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l’action publique et les autorités de jugement » ;

ALINEA 6 : « Les autorités de Police Judiciaire, le Ministère Public et LES JURIDICTIONS VEILLENT A L’INFORMATION ET A LA GARANTIE DES DROITS DES VICITIMES AU COURS DE TOUTE PROCEDURE PENALE » ;

Il ressort de la lecture des dispositions sus-mentionnées que le juge pénal doit garantir le respect du principe de contradiction, qui est un principe directeur de tout procès juste et équitable, ainsi que l’information et la protection des droits des parties tout au long de la procédure.

Cependant, en libérant Foniké MENGUE et d’autres sans aucune procédure judiciaire en vertu d’une décision qu’il aurait rendue, le juge a violé les obligations de contradiction, d’information et de garantie des droits des parties que l’article préliminaire met à sa charge et non à celle de Monsieur le Ministre de la Justice.

En entreprenant dans les circonstances telles que susdites, ce Magistrat expose sa décision à l’humiliation et à la risée populaire, ce qui ternit l’image de la Justice Guinéenne. Cela n’a rien à avoir avec la personne de Monsieur Charles Alphonse WRIGHT, le Ministre de la Justice ;  

Mais quel est l’intérêt de transposer littéralement les dispositions constitutionnelles mentionnées dans le présent article ? Il en résulte que tout Magistrat doit se conformer à l’autorité de la loi pour respecter les règles constitutionnelles considérées comme les plus importantes de l’ordonnancement juridique, plutôt que de céder à l’ambition politique du ministre dans le cadre d’une procédure judiciaire.

En le faisant, il aura contribuer à pérenniser la suprématie de la Constitution, n’aura commis aucun acte d’insubordination et ne saurait être inquiété dans ce sens à moins qu’il prétende obtenir des promotions ou des privilèges de fonction en violant son serment professionnel ;

Si les analystes de fait, plus soucieux de dire (affirmer) que de comprendre, confondent « amour » et « tambour », c’est la preuve que l’ordre du raisonnement cohérent est renversé car, en voulant conclure à …, ils déduisent de… ;

En disant (je paraphrase) que je préfère voir incendier mon pays pour la survie (l’application) de la loi, Monsieur Alphonse Charles Wright avait quel statut ? Etait-il Juge, Procureur ou un simple citoyen ? En tout cas je ne sais pas… mais dans l’hypothèse qu’il l’ait déclaré en qualité de Juge et qu’aujourd’hui il occuperait la même fonction, saisi de la procédure de Foniké Menguè et cie, pose un acte de libération sans aucune procédure, il pourrait être mis en face de ces propres contradictions.

Mais à l’absence notoire de l’intelligence contextuelle et le sens de la nuance, tout se dit contre et pour…

En République de Guinée, l’ordre est renversé, ce qui fait que ceux qui lisent restent silencieux par mesure de précaution, tandis que ceux qui ne lisent pas aiment chanter et danser sur des sujets hors de leur portée.

C’est pourquoi, sans vouloir offenser les spécialistes du Droit Public (qu’ils m’excusent humblement), les Procureurs de la République et les Procureurs Généraux sont tenus d’exécuter les ordres du Ministre en vertu du Code de Procédure Pénale sous peine de subir des sanctions disciplinaires, tout comme le Ministre est soumis à l’autorité du Premier Ministre et du Président de la République.

Cela permet de distinguer les actions personnelles du Ministre, dictées par sa conscience individuelle, de celles qui sont exigées de lui en tant que fonctionnaire et auxquelles il ne peut se soustraire, peu importe leur valeur juridique, éthique ou morale, à moins qu’il démissionne.

MAIS COMME ON AIME A LE DIRE DIRE: “CELUI QUI N’AIME PAS SON CHIEN L’ACCUSE DE RAGE”.

En conséquence, je ne me fait point le déshonneur  de discréditer le Ministre de la Justice en raison du manque de clairvoyance, d’intégrité voire de probité de certains Magistrats.

MOUSSA KANDE, Juriste, Email : kandemoussa1@gmail.com