Barrage Souapiti : Sept ans après son inauguration, les communautés déplacées dénoncent leur précarité et demandent de l’aide au gouvernement
Le barrage de Souapiti, autrefois présenté comme un projet emblématique sous le régime d’Alpha Condé, censé améliorer de manière significative l’approvisionnement en électricité à Conakry et dans les autres villes du pays, a finalement laissé derrière lui une réalité bien différente. Implanté sur le fleuve Konkouré, ce projet hydroélectrique, avec une capacité installée de 550 MW, a été inauguré en décembre 2015 après cinq ans d’exécution. Mais malgré sa grande envergure, une situation dramatique et inquiétante perdure pour les milliers de personnes déplacées, privées de leurs terres et plongées dans une précarité extrême.
Diallo Alsény, secrétaire administratif de l’Union des Impactés de Souapiti (UIP), alerte sur les lourdes conséquences du barrage sur les populations locales. Plusieurs préfectures et sous-préfectures ont été durement touchées.
« Le barrage Souapiti représentait l’espoir de tout un peuple, mais cet espoir est devenu une désillusion. Quatre préfectures ont été impactées, dont Dubréka, Télimélé, Pita et Kindia, ainsi que cinq sous-préfectures, dont Tondon, Kölet, Senta, Sangareya, et Bangouya, la plus affectée. Une partie de la commune urbaine de Kindia a également été touchée », précise-t-il.
Malgré les promesses d’indemnisation, ces dernières ont été gérées dans l’opacité, laissant les communautés sans solutions claires. Les biens, comme les maisons et les plantations, n’ont jamais été correctement évalués, et les habitants n’ont pas été informés des montants de ces compensations. Selon Diallo, « les indemnisations ont été faites à la hâte, sans tenir compte des familles élargies. Les recensements n’ont pas respecté la réalité des ménages, et la valeur des biens n’a jamais été clairement communiquée aux impactés. »
Aujourd’hui, de nombreux habitants vivent dans des conditions désastreuses. Ils peinent à subvenir à leurs besoins, à cause du non-respect des engagements pris par les autorités.
« Il avait été promis que les terres et les bas-fonds seraient compensés. Mais rien n’a été fait. Les 19 sites de réinstallation ont été laissés dans une totale négligence. Les gens ont été abandonnés sous le soleil, sans activités génératrices de revenus, sans rien », déclare-t-il. Les familles déplacées, privées de leurs terres et de leurs moyens de subsistance, se trouvent dans une situation insoutenable.
Certains, comme à Dombele dans la sous-préfecture de Bangouya, sont désormais sans abri. « À Dombele, 19 familles ont été déguerpies et dorment toujours à la belle étoile. Bien que six mois de location aient été payés, rien n’a été fait pour améliorer leur situation depuis », explique Diallo.
Au-delà de l’impact humain, l’environnement autour du barrage est également affecté. Des phénomènes géologiques, comme des tremblements de terre récurrents, ont été observés après la mise en eau.
« Nos ancêtres n’ont jamais connu de tremblements de terre. Aujourd’hui, les maisons se fissurent, les bols tombent, et des femmes enceintes avortent. Tout cela est dû à la mise en eau du barrage », assure Diallo.
L’impact du projet sur les populations a également été instrumentalisé à des fins politiques, notamment lors de la réélection d’Alpha Condé en 2015. Pour Diallo, « le projet Souapiti est la plus grande arnaque du gouvernement d’Alpha Condé. Ils ont précipité la mise en eau du barrage, sans se soucier des populations locales. Aujourd’hui, ce sont eux qui créent des problèmes au gouvernement actuel. »
Sept ans après l’inauguration du barrage, les populations déplacées attendent toujours une amélioration de leurs conditions de vie. Les promesses d’accompagnement par la société de gestion du barrage restent lettre morte.
« On ne peut pas continuer dans la résignation. Il est temps de dénoncer cette injustice et de solliciter l’aide du gouvernement, en particulier celle du Premier ministre et du président Mamadi Doumbouya. Nous demandons qu’ils prennent ce dossier en main. Les populations de Souapiti souffrent, elles pleurent de faim et manquent d’eau potable. 20 000 personnes sont directement impactées, et des villages ont été complètement engloutis. Les gens se déplacent de pirogue en pirogue », souligne Diallo.
Sept ans après l’inauguration du barrage Souapiti, les promesses faites aux populations déplacées demeurent lettre morte. Les conditions de vie de ces dernières, marquées par la précarité et l’abandon, témoignent de l’échec des autorités à répondre à leurs besoins. Le projet, censé être un moteur de développement, s’est transformé en un symbole de déception et d’injustice sociale. Face à cette situation désastreuse, les communautés de Souapiti continuent de lutter pour leur survie et réclament enfin des réponses concrètes et une réparation digne de ce nom.
Par Morikè Kaba, pour lerenifleur224.com