L’affaire Dr Mohamed Diané, ancien ministre de la Défense nationale, condamné pour détournement de deniers publics, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux, illustre à la perfection l’envie démesurée de certains cadres à piller les ressources publiques. Ce verdict, prononcé par la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF), met en lumière une pratique qui gangrène depuis des décennies le tissu socio-économique guinéen : l’enrichissement personnel sur le dos d’un peuple en quête de mieux-être.
Les biens saisis au Dr Diané donnent une idée effarante de l’ampleur des détournements. Villas somptueuses, écoles privées, terrains agricoles, usines, hôtels et comptes bancaires bien garnis constituent un patrimoine que peu de fonctionnaires publics pourraient justifier honnêtement. La liste impressionne autant qu’elle indigne, car derrière cette accumulation se cache une réalité cruelle : celle d’une nation où une majorité peine à s’offrir un logement décent ou un repas quotidien.
Kankan, Coyah, Conakry… Dans ces localités, l’ex-ministre semble avoir laissé son empreinte à travers des investissements colossaux, qui, bien que nés d’un détournement condamnable, portent une dimension paradoxale. Oui, cet enrichissement illicite a contribué, à sa manière, à créer de la valeur ajoutée en Guinée. Ces biens, construits ou développés sur le territoire national, sont autant d’infrastructures qui, si elles avaient été correctement acquises, auraient pu servir d’exemples de patriotisme économique.
Dans un pays où les écoles publiques manquent de tables-bancs, où les hôpitaux croulent sous le poids de l’insuffisance de moyens, et où les jeunes, désœuvrés, bravent les dangers de l’exil clandestin, voir un cadre détourner autant de richesses est un coup de poignard dans le cœur d’une population déjà à bout. Les élites, censées incarner l’exemple et travailler pour le bien commun, semblent avoir inversé leurs priorités, privilégiant leur égoïsme au détriment de la collectivité.
Il est néanmoins important de souligner un aspect particulier de cette affaire. Contrairement à d’autres figures de la corruption qui préfèrent transférer leur fortune à l’étranger, Dr Diané a, dans une certaine mesure, investi en Guinée. Usines, fermes avicoles, établissements scolaires… Ces infrastructures, bien que nées de pratiques frauduleuses, participent à l’économie locale. Elles génèrent des emplois, stimulent certaines filières et contribuent indirectement au développement.
Cependant, ce constat ne saurait excuser les actes répréhensibles qui ont permis de bâtir ce patrimoine. L’argent public détourné n’a jamais vocation à enrichir un individu, même s’il est réinjecté dans l’économie nationale. La vraie justice serait que ces biens, une fois confisqués, soient réorientés vers des projets d’intérêt public.
L’affaire Diané devrait servir de signal d’alarme. La lutte contre la corruption ne saurait se limiter à des condamnations spectaculaires ; elle doit s’accompagner d’une refonte complète des mécanismes de contrôle et d’un changement de mentalité chez nos dirigeants. Gouverner, c’est servir, et non se servir.
Le paradoxe de l’affaire Diané nous invite à une réflexion collective : comment construire une Guinée où l’enrichissement personnel n’est plus une finalité pour nos cadres ? Une Guinée où les ressources nationales sont gérées avec rigueur, au bénéfice de tous ?
L’histoire jugera ceux qui ont pillé les richesses nationales. Mais elle se souviendra aussi de ceux qui se sont levés pour dire « non » à la corruption et « oui » à une Guinée équitable et prospère.
Ibrahima sory keita
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